En quelques années, l’intelligence artificielle générative est passée du statut d’outil expérimental à celui d’infrastructure créative pour les entreprises : textes, visuels, vidéos, sons, prototypes de produits, interfaces…

A Paris et en Ile-de-France, TPE, PME, start-up et agences digitales intègrent désormais l’IA au cœur de leurs processus : production de contenus, campagnes marketing, UX/UI, documentation technique. Mais à mesure que l’usage se banalise, une question devient centrale : qui est titulaire des droits d’auteur sur ces créations ?

Le droit positif français et européen repose sur une idée forte : l’auteur est une personne physique et l’œuvre doit être l’expression de sa personnalité. Les productions entièrement générées par IA viennent bousculer ce cadre. Les institutions européennes, les autorités (CNIL, EUIPO) et la doctrine s’emparent du sujet, sans que toutes les réponses soient stabilisées.

Cet article propose un état des lieux de cette année 2025, des pistes d’évolution à l’horizon 2026, et des recommandations pratiques pour les entreprises accompagnées par le Cabinet Nathalie Matteoda, avocat en propriété intellectuelle et droit du numérique à Paris 8ème.

Définitions et cadre actuel

Œuvre générée par IA, œuvre assistée par IA, création humaine

Pour éclairer le raisonnement, il est utile de distinguer trois situations :

  • Œuvre générée par IA : le résultat est produit de manière largement autonome par un système d’IA (ex. : un visuel obtenu à partir d’un prompt très générique, sans sélection ni retouche significative).
  • Œuvre assistée par IA : l’IA est un outil parmi d’autres dans un processus piloté par un humain (prompt sophistiqué, itérations, sélection, retouche, composition, choix créatifs assumés).
  • Création humaine “classique” : l’outil reste neutre (pinceau, appareil photo, logiciel de mise en page) et l’originalité est clairement imputable à la personne physique.

Sur le plan juridique, cette distinction n’est pas encore codifiée, mais elle reflète la ligne directrice du droit d’auteur : sans intervention créative humaine identifiable, il n’y a pas d’œuvre de l’esprit protégée.

Le droit d’auteur en France et dans l’Union européenne

En France, le Code de la propriété intellectuelle et la jurisprudence exigent que l’auteur soit une personne physique et que l’œuvre porte l’empreinte de sa personnalité. Les personnes morales ne peuvent être titulaires des droits d’auteur qu’à titre dérivé (cession, présomptions légales) ou, de façon originaire, lorsqu’une œuvre est qualifiée d’œuvre collective au sens des articles L.113-2 et L.113-5 CPI.

Au niveau de l’Union européenne, la Cour de justice a également développé le critère de l’“œuvre propre à son auteur”, impliquant une création intellectuelle humaine. Ces principes laissent aujourd’hui les contenus générés uniquement par IA dans une zone grise, sans protection automatique claire.

Jurisprudences et positions institutionnelles 2025

Plusieurs analyses récentes convergent :

  • Les systèmes d’IA ne peuvent pas être titulaires de droits d’auteur, faute de personnalité juridique.
  • Les œuvres produites sans intervention humaine substantielle ne remplissent pas le critère d’originalité.
  • Le Parlement européen, dans son étude “Generative AI and Copyright” (juillet 2025), souligne l’incertitude entourant le statut des contenus générés et appelle à une clarification du cadre, tout en préservant la protection des auteurs humains. Parlement européen Parlement Européen+2Parlement Européen+2

En parallèle, la CNIL publie des recommandations spécifiques pour le développement des systèmes d’IA, centrées sur le RGPD, mais rappelant la nécessité d’une gouvernance claire des données d’entraînement et des usages de sortie, ce qui touche indirectement aux enjeux de PI et de transparence. (IA et RGPD CNIL)

Titularité des droits d’auteur : qui est (encore) auteur en 2025 ?

Œuvre 100 % IA : pourquoi elle n’est pas protégée

A ce jour, le consensus doctrinal et les premières analyses convergent :

  • l’IA n’a pas de personnalité juridique ;
  • l’IA ne peut pas être qualifiée d’auteur ;
  • un contenu produit sans apport créatif humain identifié ne répond pas aux critères classiques de protection.

Concrètement, si une entreprise laisse un outil génératif produire des visuels ou des textes à partir de prompts banals, sans réelle direction créative ni retouche, le résultat risque de ne bénéficier d’aucune protection solide par le droit d’auteur.

L’intervention humaine : pivot de la protection

A l’inverse, lorsque l’humain joue un rôle déterminant (choix des prompts, des itérations, sélection de certaines versions, retouches, intégration dans une composition plus large) le contenu peut être qualifié d’œuvre assistée par IA avec un auteur humain.

Une partie de la doctrine soutient la “théorie de l’utilisateur-auteur” : l’auteur serait la personne qui conçoit le processus créatif, paramètre l’outil, exerce des choix, et assume le résultat final comme expression de son intention.

Pour les TPE/PME du digital à Paris :

  • un studio graphique qui utilise l’IA pour générer des bases d’affiches qu’un designer retravaille profondément pourrait revendiquer la protection
  • une agence social media qui se contente de publier des visuels “bruts IA” sans retouche aura davantage de difficultés à démontrer l’originalité.

Difficultés concrètes : quelques cas typiques

  • Start-up SaaS : interface utilisateur conçue avec un mélange de composants standards et d’éléments générés par IA. Où se situe la valeur protégeable ?
  • Plateforme créative : utilisateurs qui génèrent des visuels via IA intégrée. Qui est titulaire ? la plateforme, l’utilisateur, personne ?
  • PME e-commerce : fiches produits, images et textes optimisés via IA, puis relus et ajustés. Quel niveau de contribution humaine faut-il documenter ?

Ces situations montrent l’importance, pour les entreprises, de documenter le rôle de l’humain dans la chaîne créative et de l’anticiper dans leurs contrats (salariés, freelances, prestataires, plateformes).

Un cadre législatif en mutation (2025-2026)

Initiatives législatives et débats en 2025

Les institutions européennes poursuivent leurs travaux sur :

  • l’impact de l’IA générative sur le droit d’auteur (études du Parlement européen, consultations sectorielles)
  • la coordination avec l’AI Act, qui encadre les systèmes d’IA mais laisse volontairement de côté la question de la titularité des droits d’auteur
  • des propositions nationales ponctuelles (par exemple au Danemark, sur les droits liés à l’image et à la voix face aux deepfakes).

En France, le débat est porté notamment par le ministère de la Culture et le CSPLA. Un cycle de concertation lancé en 2025 avec les fournisseurs d’IA et les titulaires de droits vise à concilier protection des créateurs et innovation.

Vers une notion de “contribution humaine substantielle”

Plusieurs rapports envisagent la reconnaissance d’un critère de “substantialité de l’intervention humaine” :

  • la simple saisie d’un prompt générique ne suffirait pas
  • il faudrait démontrer une direction créative, des choix arbitraires, une sélection ou recomposition des outputs IA.

Reste à savoir comment ce critère sera formalisé (lignes directrices, jurisprudence, éventuelles réformes ciblées).

Positions des autorités (CNIL, EUIPO et autres)

  • La CNIL se concentre sur la conformité RGPD : données d’entraînement, transparence, intérêt légitime, gestion des droits des personnes. Ces exigences impactent indirectement la façon de concevoir des systèmes d’IA créative et les conditions d’utilisation des contenus générés.
  • L’EUIPO, via ses lignes directrices et ses décisions, applique aux marques, dessins et modèles les critères classiques de distinctivité et de nouveauté, sans régime spécifique pour les créations issues d’IA. Par ailleurs, au travers de son Observatoire, l’office participe aux réflexions européennes sur l’impact de l’IA générative sur le droit d’auteur, sans pour autant être l’autorité compétente pour la reconnaissance ou la gestion des droits d’auteur.

Le cadre est donc en mouvement, et l’année 2026 sera probablement marquée par des ajustements progressifs plutôt qu’une grande réforme unifiée.

Enjeux pratiques pour les TPE/PME : comment sécuriser vos créations ?

Organisation interne des créations numériques

Quelques réflexes essentiels pour les entreprises utilisant l’IA générative :

  • Cartographier les usages : quels contenus sont produits avec IA (textes, visuels, code, UX, documentation) ?
  • Qualifier le rôle de l’IA : outil ponctuel, co-créateur assisté, production autonome ?
  • Documenter l’intervention humaine : prompts, choix de versions, retouches, intégration dans une œuvre plus large.

L’objectif est de pouvoir démontrer, en cas de litige, que vos contenus les plus stratégiques sont le résultat d’une intervention créative humaine identifiable.

Bonnes pratiques contractuelles

Les contrats deviennent un outil central de sécurisation :

  • Salariés et freelances : clauses précisant l’usage d’outils d’IA, la titularité des droits sur les résultats, et l’obligation de documenter le processus créatif.
  • Prestataires (agences, studios) :
    • cession complète des droits d’auteur lorsqu’elle est possible
    • garanties d’éviction (absence de contrefaçon, respect licences des IA utilisées)
    • obligations d’information sur les outils et datasets mobilisés.
  • Plateformes d’IA : vérification des CGU (droits concédés sur les outputs, licences, restrictions sectorielles, obligations en cas de litige).

Le Cabinet Nathalie Matteoda intervient régulièrement pour revoir et adapter ces contrats à l’écosystème IA.

Identification et gestion des risques

Parmi les risques majeurs :

  • Contrefaçon “en amont” : datas et entraînement ou prompts qui conduisent à des contenus trop proches d’œuvres protégées.
  • Revendi­cation de droits par des tiers : concepteur de l’IA, plateforme, prestataire non correctement cessionnaire.
  • Litiges clients : contestation de titularité, remise en cause de licences ou de cessions.

D’où l’importance de combiner analyse PI (droit d’auteur, marques, dessins & modèles) et conformité data (RGPD, sécurité des systèmes d’IA).

Perspectives et recommandations pour 2026

Scénarios d’évolution du droit d’auteur

Plusieurs trajectoires sont actuellement discutées :

  • Clarification par la jurisprudence : décision emblématique sur la qualification d’une œuvre assistée par IA et le niveau de contribution humaine requis.
  • Lignes directrices européennes ou nationales précisant les critères de protection des contenus assistés par IA (sans bouleverser les textes).
  • Réformes ciblées (comme au Danemark pour l’image et la voix) qui pourraient inspirer des évolutions françaises ou européennes plus larges.

Il est peu probable, à court terme, que l’IA obtienne la qualité d’auteur : le cœur du modèle européen reste attaché à la création humaine.

Stratégies de protection pour les entreprises

Quelques axes stratégiques que le Cabinet Nathalie Matteoda recommande dès 2025 :

  1. Hiérarchiser vos contenus : identifier les créations vraiment stratégiques (charte graphique, UX, contenus premium, assets audio/vidéo) et leur appliquer un régime de protection renforcé.
  2. Cumuler les outils juridiques : droit d’auteur, marques, dessins et modèles, secrets d’affaires, contrats. L’IA complexifie la cartographie ; elle ne doit pas la paralyser.
  3. Standardiser vos preuves : horodatage, archivage des versions, conservation des prompts et des retouches pour démontrer la contribution humaine.
  4. Former vos équipes : sensibilisation des équipes marketing, produit, créa et IT aux enjeux PI/RGPD liés à l’IA.

L’accompagnement du Cabinet d’avocat Matteoda (Paris 8ème)

Maître Nathalie Matteoda propose un accompagnement dédié aux TPE, PME, start-up et structures créatives :

  • Audit IA et propriété intellectuelle :
    • cartographie des usages IA
    • identification des œuvres protégées / non protégées
    • évaluation des risques de contrefaçon ou de conflit de titularité.
  • Mise en conformité documentaire :
    • adaptation des contrats (salariés, freelances, prestataires, plateformes)
    • rédaction de clauses spécifiques IA (intervention humaine, documentation, garanties)
    • politique interne sur l’usage des outils génératifs.
  • Stratégies de protection et de défense :
    • choix des contenus à déposer (droit d’auteur, dessins et modèles, marques)
    • accompagnement en cas de litige, mise en demeure, négociation, actions judiciaires si nécessaire.

En conclusion, anticipez plutôt que subir

En 2025, les œuvres générées par IA se situent encore dans un cadre juridique en évolution :

  • l’IA ne peut pas être auteur
  • la contribution humaine reste la clé de voûte du droit d’auteur
  • les entreprises doivent structurer leurs pratiques pour ne pas perdre la maîtrise de leurs actifs immatériels.

Pour une TPE, une PME ou une start-up parisienne, l’enjeu est double : continuer à innover avec l’IA tout en sécurisant les créations qui fondent sa valeur (produits, marque, expérience utilisateur, contenus).

La priorité n’est pas d’attendre une grande réforme, mais de :

  • mettre en place des processus internes clairs
  • adapter les contrats et la documentation PI
  • rester en veille sur les évolutions en France et au niveau européen

FAQ Œuvres générées par IA et droit d’auteur (2025-2026)

Une œuvre générée uniquement par IA peut-elle être protégée par le droit d’auteur ?

Dans l’état actuel du droit français et européen, la réponse est non. Sans intervention créative humaine identifiable, il n’y a pas d’« œuvre de l’esprit » au sens du droit d’auteur. Une image ou un texte produits automatiquement à partir de prompts très génériques sont donc, en principe, dépourvus de protection.

Quand parle-t-on d’“œuvre assistée par IA” et qui est auteur ?

On parle d’œuvre assistée par IA lorsque l’outil n’est qu’un moyen au service d’un projet créatif : vous définissez les prompts, faites des choix, combinez, retouchez, intégrez le résultat dans une création plus large. Dans ce cas, l’auteur reste la personne physique qui a exercé ces choix créatifs, sous réserve de pouvoir le démontrer.

Comment une TPE/PME peut-elle prouver la contribution humaine ?

Il est recommandé de conserver les prompts, les différentes versions générées, les retouches apportées, les échanges internes et livrables intermédiaires. Cette traçabilité (dossiers projets, horodatage, versions) permet de montrer que l’œuvre finale est bien le fruit d’un travail humain, et non d’une simple génération automatique.

Quels sont les principaux risques si nous utilisons l’IA sans cadre clair ?

Les risques sont multiples : contenus trop proches d’œuvres préexistantes (contrefaçon), incertitude sur la titularité des droits (plateforme, prestataire, client), impossibilité de valoriser ou de céder certains contenus faute de preuve d’originalité. Sans politique interne et contrats adaptés, vous perdez en sécurité juridique et en valeur économique.

Faut-il déjà modifier nos contrats et process alors que le droit évolue encore ?

Oui, car l’incertitude juridique ne dispense pas de se préparer. Mettre à jour vos contrats (salariés, freelances, prestataires, plateformes IA), organiser la documentation des créations et former vos équipes vous permet de sécuriser dès maintenant vos actifs immatériels, tout en restant agile pour intégrer les futures évolutions (jurisprudence, lignes directrices, réformes ciblées).

Vous intégrez l’IA générative dans vos activités (contenus, design, produits) et vous vous interrogez sur la protection de vos créations ?

Contactez Maître Nathalie Matteoda, avocat en propriété intellectuelle et droit du numérique à Paris 8, pour :

  • un audit de vos usages IA et de vos droits d’auteur,
  • la mise à jour de vos contrats (France / Europe),
  • la définition d’une stratégie de protection adaptée à vos enjeux 2025-2026.

Protégez aujourd’hui vos actifs immatériels pour sécuriser la valeur de votre entreprise dans un environnement où l’IA devient un outil incontournable.

Contactez Maître Nathalie Matteoda, Avocat à la Cour, Paris.
Tél. 06 42 18 50 53 ou prenez rendez-vous en ligne.

Suivre mon actualité sur Linkedin ? Nathalie Matteoda – Avocat en droit de la propriété intellectuelle